Space ambient (Angleterre)
Apollo est un disque qui me trouble à plus d’un titre. Déjà, c’est le premier album de Brian Eno que j’ai écouté. Je devais avoir 15 ou 16 ans. Cela me rappelle mes premiers emprunts à la discothèque du quartier, mes premiers pas pour me constituer une culture musicale contemporaine. Mais le contenu est également fascinant. Si sa musique a su pénétrer les aéroports, se fondre dans les topos, elle se met à la conquête de l’espace. Ainsi, l’artiste aborde un nouveau concept musical, que j’appellerai, peut-être maladroitement, le space ambient.
J’avoue être fasciné par l’espace, sans pour autant développer à ce jour une grande connaissance à son sujet. Mais métaphysiquement, scientifiquement, et esthétiquement, le contexte spatial donne à penser. En fait Apollo sert de B.O. au documentaire For All Mankind (d’abord appelé Apollo) réalisé par Al Reinert, retraçant l’histoire saisissante des premiers pas sur la lune. Plus exactement, tous les morceaux d’Apollo ne sont pas dans le film, et toutes les musiques du film ne sont pas dans Apollo. Quoi qu’il en soit, le docu se montre tout à fait intrigant, pour sa rétrospective historique et son dépaysement planétaire, vraiment saisissants.
Certaines compositions sont parfois inquiétantes mais offrant une certaine beauté, comme un trésor merveilleux que l’on découvre… sur une autre planète mystérieuse, dont on ne connaît pas encore les secrets. Je pense ici aux excellents ‘Under Stars’ I & II, à ‘The Secret Place’, sans oublier l’immense ‘Stars’ venant terminer le disque. Un titre comme ‘Matta’ devient quant à lui presque « descriptif », contextuel, retraçant l’ambiance lunaire, sans pour autant faire émerger une mélodie ou des harmonies précises.
D’autres plages se montrent véritablement lumineuse, comme ‘Drift’, ‘Deep Blue Day’ (que le film Trainspotting s’appropriera également) et le chef d’œuvre ‘An Ending (Ascent)’, irradiant le disque de son intensité et de sa magie. Une illumination musicale, une pluie d’étoiles. On retrouve également ce morceau dans le très beau film Traffic.
Outre ce contraste ténèbre/lumière, certains morceaux viennent apporter une tonalité autre. Je pense à ‘Silver Morning’, sonnant comme une pop relax et « spatiale », quasi Floydienne, tranchant avec tous les autres titres de l’album, de façon assez étrange. La légèreté de ‘Weightless’ et d’‘Always Returning’ va également dans ce sens.
On se demande parfois s’ils ne mettent pas en danger l’homogénéité de l’ensemble… mais je suis content que ces compos se soient immiscées dans ce disque, offrant un nouvel angle d’attaque pour évoquer l’univers céleste. De plus, le documentaire nous aide à mieux comprendre leur sens : ‘Silver Morning’ survient à un moment plus jovial et amusant ; ‘Always Returning’ revient comme un leitmotiv pour représenter notre planète bleue attachante, notre « chez nous ».
Pour ses différentes facettes, comme pour ses zones d’ombre, Apollo a beaucoup à partager. Il prône à la fois la dimension lugubre du dark ambient et la composante « topographique », ici dans l’espace. Il n’est donc pas si loin d’un On Land. Parfaitement maîtrisé sur le plan musical, et donc très évocateur sur le plan conceptuel, il reste un disque assez fort, aussi bien subjectivement qu’objectivement. Des moments magiques, faisant surgir en nous des tas de questions sans réponses, comme un trouble métaphysique un peu angoissant. Ce dernier n’en demeure pas moins lié à une véritable contemplation, révélant une rare beauté.
Note : 6/6
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