Krautrock (Allemagne)
Les 60's ont permis l'émergence des monstres, ces disques déviants et hors normes qui apportèrent tant de richesse et de créativité à la musique rock. Monster Movie fait partie de ceux-ci. Certes, nous sommes loins de la démesure des oeuvres suivantes, mais quand même, arrêtons-nous ici un instant. Avec Monster Movie, Can gère l'espace musical et déforme le temps. Le groupe solidifie ses bases : les rythmes saccadés et alambiqués de Liebezeit, la guitare stridente et élimée de Karoli, les pulsations hypnotiques de Czukay, les claviers fantômatiques de Schmidt. La force de Can réside dans cette communion de pensées, dans ce collectif musical et artistique.
Aussi, Monster Movie est le seul album où l'on rencontre véritablement Malcom Mooney au chant. Et voilà le point négatif de Monster Movie, sa controverse : la performance du chanteur afro-américain peut être sujette à de nombreuses critiques. Le fait d'isoler stylistiquement l'album du reste de la carrière du groupe ne fait pas de Mooney un paria. C'est plutôt ses excès et redondances vocales qui peuvent fortement gêner certains auditeurs. C’est la sensibilité de chacun qui tranchera. S’il ne fut certainement pas inutile, je ne pense pas que son passage dans Can fut des plus mémorables. Cela étant, cet anti-frontman exubérant a plus ou moins dirigé la musique de Can vers des horizons Velvetiens. Du moins c'était sa sage volonté.
Dans l'ensemble, le disque garde évidemment une certaine magie, une harmonie, une mystique organique. Et pas question de laisser Mooney de côté. Can est un collectif quoiqu'il advienne et ces musiciens se joignent dans cette cérémonie expéri-mentale, dans cette procession apocalyptique de spectres sous amphétamines. Au niveau des morceaux eux-mêmes, on est globalement satisfait. En effet, mise à part ‘Mary, Mary, So contrary’, ballade dispensable et un peu fatigante, le disque est assez bien garni. Le détraqué et entraînant ‘Father Cannot Yell’, le terrifiant ‘Outside my Door’, l'épique et pétillant ‘You Doo Right’ (auquel vont se joindre ‘Mother sky’ et ‘Halleluhwah’ dans la catégorie morceaux pachydermiques) font de Monster Movie un opus influent pour le rock ouest-allemand, et même au-delà. Cependant l’intérêt du disque réside davantage dans l’ambition des musiciens que dans le plaisir musical qu’on en tire ; Monster Movie demeure un disque avant-gardiste et un support pour les générations à venir.
Note : 4,5/6
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