Krautrock (Allemagne)
Avec cette collection de titres enregistrés à l'aube de sa carrière, Can peut se targuer d'aller à l'encontre des conventions musicales de son époque. Cependant, si Delay 1968 n'a certainement pas l'ambition, la cohésion et le génie des œuvres suivantes, il a tout de même le mérite de faire fusionner le jazz et le rock sur fond de culture expérimentale et d’atmosphère garage. Le disque annonce d'ailleurs une partie de la scène punk. Pour ce qui est des morceaux, ‘Butterfly’ ouvre le disque de belle manière. Il s'agit d'un titre stressant, spatial et futuriste, dans lequel une certaine tension est évoquée de façon habile par les différents musiciens. Les rythmiques insaisissables de Karoli, le Hendrix blanc, rencontrent le feeling black de Mooney et se noient dans l'atmosphère étrange provoquée par le synthétiseur à adrénaline d'Irmin Schmidt. Le rythme imposé par Jaki Liebezeit est assez pesant, et la basse de Czukay insistante. ‘Pnoom’, le titre suivant, est un morceau comique de 26 secondes, un quiproquo sonore et malin. Quant à ‘Nineteen century man’ et ‘Man called Joe’, elles ne sont pas forcément marquantes mais présentent une forme de cacophonie rythmée et quelques aspects de la musique de Can qui seront accentués par la suite. Entre ces deux titres s'intercale une belle ballade subtile et tendue, ‘Thief’, dans laquelle la guitare aiguisée et acide de Michael Karoli se met une nouvelle fois en valeur. ‘Uphill’, le petit frère de ‘Sister Ray’ du Velvet, révèle ensuite une prédominance rythmique évidente. La solidité du rythme est une nouvelle fois assurée en très grande partie par la basse de Czukay et évidemment par le jeu de Liebezeit qui prendra encore de l'importance dans les albums suivants, notamment dans la trilogie. Le dernier morceau, ‘Little star of Bethleem’, est perfectible mais rassemble suffisamment d'éléments pour rester néanmoins de qualité et bien symboliser certains aspects artistiques de la musique du groupe. Can pose dès lors avec cette collection des bases artistiques déjà en avance sur son temps et va y ajouter au fil de sa carrière des éléments beaucoup plus ambitieux, déboussolants, inquiétants, élargissant ainsi son concept en intégrant des composantes très expérimentales, sous l’influence de la musique contemporaine et des psychédélismes Barrett-ien et Velvet-ien. Par comparaison, Monster movie, le premier véritable album du groupe, sera un disque logiquement plus homogène, et plus complexe.
Note : 4/6
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