Progressif (Angleterre)
Sortir un tel album est un véritable tour de force, tant au niveau de sa qualité intrinsèque que de son apport à l’histoire. Œuvre technique et érudite, In the Court of the Crimson King se montre également onirique et atmosphérique, présentant une ambiance inédite presque indescriptible. Le son vieillot contribue clairement à cette impression de rêve tout éveillé. Réalisé avec recul et maturité, ce disque fait d'ailleurs partie de ceux qui ont le mieux vieilli.
Magique et harmonieux, tel est le premier album du Roi Pourpre. L'habileté et la virtuosité des musiciens se mettent au service de la beauté. Le disque regorge de serpentins guitaristiques multicolores, de vents et claviers en panique, de ruptures et de dynamiques rythmiques écervelées. Et cela sans compter le jeu magistral d’un mellotron presque omniprésent, à la beauté envoûtante. Les compositions font preuve d'une richesse démente et inépuisable ; le jazz rencontre le rock, la musique classique le blues, la technique la mélodie, le génie la folie… Un peu comme The Yes Album (1971), mais de façon plus atmosphérique et avant-gardiste, cet opus donne lieu à une forme de pop complexifiée, fuyant les conventions des charts anglais.
En outre, cet album fait ressortir en nous des sentiments bien marqués, parfois fulgurants, et souvent proches de rêveries mêlées d’espoir comme de désarroi. Les musiciens funambules, en clowns tristes, s'amusent sur les bases du rock progressif, style qui a trouvé ici un de ses pères. Morceau d'ouverture, ‘21st Century Schizoïd Man’ exprime musicalement à quoi ressemble un esprit malade devant la folie d’un environnement urbain et post-moderne qu’il maîtrise mal ou qui l’oppresse. D'ailleurs, les instruments symbolisent très bien une forme de cohue et de panique générale à la fin de la composition.
La suite de l'opus nous offre de nouvelles merveilles : ‘I Talk to the Wind’, subtile et somptueux, composition planante et réalisée avec minutie, dopée par de beaux instruments à vent ; ‘Epitaph’, dotée d'une mélancolie poignante proche du malaise ; ‘Moonchild’ et sa mélodie qui vous hante, regorgeant d’émotions si difficiles à contenir, et laissant entrevoir dans sa seconde partie un grand panorama musical, quasiment lunaire, atmosphérique et avant-gardiste. Quant au titre ‘The Court of the Crimson King’, cette grande finale dramatique et majestueux, achève le disque de façon théâtrale en prouvant une nouvelle fois la capacité du Roi Pourpre à créer en nous des émotions presque écrasantes.
1969 : il fallait donc se lever tôt pour voir le Roi Crimson rencontrer sa cour et ses adeptes. Sur une autre planète, dans une autre galaxie. Les années 60 se terminent en devenant encore un peu plus extra-terrestres. D’ailleurs, si l’on considère que les années 60 n’ont duré globalement que quatre ans (de 65 à 68 comprises), on ne peut pas considérer ce disque autrement qu’une ouverture sur un monde nouveau : en effet avec King Crimson, on est peut-être déjà entré dans les seventies…
Note: 6/6
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