lundi 10 juillet 2006

CAN Ege Bamyasi (1972)

Can - Ege Bamyasi
Krautrock (Allemagne)


Ege Bamyasi, cet album étrange à la pochette « alimentaire », est peut-être un des disques à écouter en priorité pour découvrir Can. Il contient en effet suffisamment d’ingrédients pour montrer ce que le groupe sait faire : de l'expérimental et du psychédélisme, un travail sur le son et surtout sur le rythme, et un zeste d’humour. Ege Bamyasi se place au cœur d'une trilogie qui repousse les limites de la musique d’époque. Si cet opus est tout de même nettement moins imposant, moins riche et moins kafkaïen que son prédécesseur, il demeure pourtant un excellent concentré du talent de Can, un produit de synthèse si vous voulez. Les lignes instrumentales et la façon dont elles sont entrelacées restent très complexes : on pourrait écouter l'album en ne suivant que la batterie, ou que la basse par exemple, on aurait beaucoup à dire... La verve créatrice et expérimentale du groupe est montrée dès le début du disque par ‘Pinch’, long morceau très rythmé, et ‘Sing swan song’, chanson liquide et mélancolique dont la voix annonce un peu celle de Radiohead, en plus mesurée. Si ‘One more night’ représente une forme de rigidité sonore intéressante, le frénétique ‘Vitamin C’, bombe rythmique survitaminée au groove imparable, symbolise ce que peut apporter le jeu endiablé, dansant et fuyant de Liebezeit. Cependant, le morceau le plus atypique du disque est sûrement ‘Soup’, titre de plus de dix minutes, dantesque et déboussolant. Cette pièce présente toute une dimension psychologique et se termine de façon incroyable : les instruments semblent décrire un paysage désolé ou en ruine, après un désastre. On imagine des animaux plaintifs se recueillant dans cette plaine sonore où les derniers lambeaux de fer dansent sur le sol. Les invocations de Suzuki apportent une tonalité dramatique à ce morceau qui restera une des plus grandes compositions de Can. Après ce déluge surviennent deux titres courts et plus mélodiques pour clôturer le disque : ‘I'm so green’, et le pseudo-tube ‘Spoon’. De façon générale, la richesse du disque fait de Ege Bamyasi un des classiques de Can et une source d'influence pour les scènes post rock et post punk. Une fois encore le rythme et la créativité expérimentale sont deux éléments centraux dans la musique du groupe. Mais cette fois-ci, les rythmes semblent plus façonnés par la technique humaine que par la technologie électronique. En tout cas, si Tago Mago, et Ege Bamyasi dans une moindre mesure, possédaient en eux un certain désordre psychique, Future Days, l'album suivant, s'annonce comme le calme océanique après la tempête électrique.

Note : 5/6

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