dimanche 8 août 2010

Brian ENO Here Come The Warm Jets (1974)

Brian Eno - Here Come The Warm Jets
Art-Rock / Glam futuriste (Angleterre)


L’après-Roxy Music commence ici pour Brian Eno. Quelque part entre pop et avant-garde, entre innocence et expérience, Here Come The Warm Jets ressemble à un disque de rock and roll glamour et futuriste, style abandonné au bout de deux albums mais témoignant déjà de la démarche de l’artiste : Brian Eno veut réconcilier la musique pop, contemporaine ou rétro, et son futur. Tout en persévérant dans la création d’un nouveau langage.

Guitares acérées, harmonies synthétiques, rythmiques obliques, sons artificiels venus d’une autre planète… divers éléments au service d’une free-pop fantasque dans laquelle l’accident musical se révèle plus fécond que l’intention artistique fidèlement réalisée ; en effet, si ce premier disque d’Eno en solo s’apparente à une excroissance des débuts de Roxy Music (tous les protagonistes du groupe sont présents, sauf Bryan Ferry évidemment), les artistes qui y contribuent de façon diversifiée seraient retenus pour leur incompatibilité…

En tout cas, et donc bien au-delà de ses lyrics absurdes et surréalistes, Here Come The Warm Jets reste fondamentalement l’aboutissement d’un travail sur le son lui-même et du mélange qu’il forme avec le bruit, et demeure ainsi le fruit d’un débat perpétuel sur les frontières qui délimitent ces deux concepts. Dans cette optique, Eno constitue plusieurs couches d’arrangements qui se superposent, formant des morceaux construits et très riches dont les nombreuses écoutes se révèlent nécessaires.

Certes, ce n’est pourtant pas le Eno que j’apprécie le plus ici ; même si la recherche intellectuelle et sonique demeure bien présente dans son projet avant sa prochaine mutation, le côté glam et ampoulé est encore un peu trop présent pour moi : par exemple, je ne suis pas particulièrement enchanté par le maniérisme un peu insupportable d’un ‘The Paw Paw Negro Blowtorch’...

En revanche, parmi les titres qui me marquent le plus, je penserais plutôt à celui de l’ouverture : ‘Needles in the Camel’s Eye’, et sa rythmique tendue, au bord du déséquilibre… et puis à son solo de guitare, vestige de la culture rock. La fin de l’album reste aussi assez réussie, avec cette ballade visionnaire, ‘Some of Them Are Old’, prophétisant d’une certaine manière les sons et atmosphères des disques suivants, et la très bonne chanson-titre qui clôt le disque un peu de façon circulaire. Notons aussi la section instrumentale de ‘Baby’s on Fire’, emmenée par un Robert Fripp en grande forme, éminent musicien à l’aise avec sa guitare/"tuned jet" (ce n’est d’ailleurs pas étonnant si ce titre me donne envie d’écouter Starless and Bible Black de Crimson…)

Dans Here Come The Warm Jets, le studio devient un instrument proprement dit, et si les morceaux sont encore légèrement maladroits par moments, la réflexion artistique sur ce qu’est la musique pop-rock en est plus qu’à ses balbutiements : entre instinct et maturité, elle profite à l’émergence d’un disque sophistiqué et futuriste, glauque et ironique, curieux et intriguant, pour le début d’une carrière complète et fondatrice, réalisé par un futur touche-à-tout de génie.

Note : 4/6


N.B. : je me suis parfois appuyé sur les sources suivantes pour réaliser cette chronique :
- TAMM Eric. Brian Eno: His Music and the Vertical Color of Sound. 1995, Da Capo Press. ISBN 0306806495. Cité dans la page wikipedia consacrée au disque : http://en.wikipedia.org/wiki/Here_Come_the_Warm_Jets
(pour ce qui concerne l’accident artistique et l’incompatibilité musicale désirée ; http://www.pdfhacks.com/eno/BE.pdf est le lien pour l’avoir disponible) ;
- http://music.hyperreal.org/artists/brian_eno/HCTWJlyrics.html
(pour la signification que donne Eno à "tuned jet" ; cité aussi dans le wiki) ;
- http://www.allmusic.com/cg/amg.dll?p=amg&sql=10:difqxqt5ldfe
(pour la construction des morceaux en couches).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire