Progressif Symphonique (Canada/Québec)
Harmonium, groupe québécois des années 70, nous offre un disque conceptuel vivaldien. En effet, chaque chanson représente une saison qui habille Montréal de ses couleurs. La musique évoque les modifications climatiques comme les changements d’humeur qui y sont parfois associés et le groupe s’engage à décrire les saisons avec toute la palette de couleurs sonores que cela nécessite. Les cinq saisons raconte les péripéties d’une jeune fille nommée Montréal tout en restant très imagé et poétique : le parallèle fille/ville semble même parfois envoyer des messages politiques concernant la situation du Québec. Mais cet album reflète aussi l’esprit du temps, la culture d’une époque, avec tous les idéaux qu’elle comporte : il s’agit donc en partie d’un disque « culturel ». La naïveté et la recherche de l’idéal (avec tout ce que cela a de dangereux et d'illusoire, mais aussi de constructif et d’ambitieux) que l’on retrouve dans Les cinq saisons rappelleraient également une forme de passage à l’âge adulte, où la prise de conscience fait fi des rêves passés bien souvent déconnectés de la réalité.
Mais le plus important c’est la musique. Et quelle musique ! Il est vrai que la voix garde un accent assez spécial, que les compositions sont parfois un peu trop typées… mais cela constitue finalement un passeport pour un nouvel univers. ‘Vert’ et ‘Dixie’, les deux premières chansons-saisons, sont hautes en couleur, chatoyantes, colorées, vives et ensoleillées. L’atmosphère chaleureuse est bien mise en valeur par une musique fouillée et les divers instruments apportent une richesse à l’opus, devenu une forme de peinture mélodique de couleur vive. Cette musique demeure fraîche et spontanée, luxuriante et épanouie, incarnant le rêve et l’illumination de deux saisons. Cependant, je préfère largement le premier morceau, si prenant et tellement bien composé, au deuxième titre, dont la mélodie du refrain me rappelle malheureusement trop Balavoine (!). Notons au passage une particularité du disque : il ne comporte pas de percussions, ce qui ne l’empêche pas d’être parfois très rythmé. Les deux chansons suivantes, ‘Depuis l’automne’ et ‘En pleine face’, sont évidemment plus tristes et sombres et révèlent un côté nostalgique (puisque l’on vous parle d’« idéal »…). Elles continuent de montrer également tout le talent et la maturité de Serge Fiori.
Et puis vient cette fameuse cinquième saison, ‘Histoire sans paroles’, un véritable monument du rock progressif, et je le pense vraiment. Un poème symphonique instrumental… une authentique merveille. Ici toute l’atmosphère prend son sens pendant plus d’une quinzaine de minutes de magie pure. Au milieu du morceau survient une section de piano absolument bouleversante, quelque chose d’inoubliable, un trésor que l’on aimerait à la fois garder pour soi mais aussi offrir à la Terre entière. La mélodie du piano que vient rejoindre la voix du chanteur est absolument parfaite et enivrante. Le genre de « truc » que l’on écoute les yeux mouillés et la gorge serrée… Effectivement, cette cinquième saison est un véritable morceau de ciel… Toute parole demeure futile pour décrire ce que parviennent à réaliser ici le groupe québécois. Sincèrement, devant un tel moment de plaisir, devant tout le talent et la générosité des musiciens d’Harmonium, nous n’avons en définitive plus qu’un seul mot à leur dire : merci.
Note : 5,5/6
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