vendredi 2 mars 2012

KRAFTWERK Kraftwerk (1970)

Kraftwerk - Kraftwerk
Expérimental / Minimalisme (Allemagne)


La première période de Kraftwerk reste assez méconnue. Elle se compose de trois disques expérimentaux (Kraftwerk 1 & 2, Ralf und Florian) et constitue l’« archéologie » de la discographie du groupe, comme le dénote Florian Schneider, l’une des deux têtes pensantes de la formation, avec Ralf Hütter. Ici, on est encore loin de leurs Robot Musik / Volksmusik qui ont fait les lettres de noblesse du groupe et ont inspiré la scène électronique comme la new wave plus que tout. Mais l'on retrouve déjà un minimalisme chirurgical, et un esprit typiquement allemand. Kraftwerk, comme beaucoup de groupes germains, a su donner ou compléter fortement l’identité musicale de son pays. Économie de sons, économie de mouvements, économie de sentiments, le premier album de Kraftwerk présente une authentique liberté de composition et d’exécution.

Ralf Hütter & Florian Schneider créent ici une musique avant-gardiste, parfois assez hostile, nihiliste, quasi-scientifique, et gardant ainsi plusieurs ponts avec la musique industrielle à venir ; le disque présente aussi bien les thématiques urbaines et mécaniques, qu'une musique abrupte, aride et minimale, parfois agressive, froide et blanche. De plus, « Kraftwerk » signifie « centrale électrique » et la pochette de ce premier album présente un plot de sécurité ready-made… Nous sommes donc bel et bien devant un album très contemporain.

Au niveau des musiciens, un batteur joue pour chaque face du disque : Andreas Hohmann sur la face A, Klaus Dinger sur la face B (en réalité uniquement sur le dernier morceau du disque). Ce dernier formera avec Michael Rother (venu prêter main forte à Kraftwerk pendant quelques mois après le premier album) le groupe Neu! en 1970, après leur départ de Kraftwerk. À noter enfin la présence de Conrad Plank à la production (il travaillera aussi sur les albums de Neu!, entre autres).

Le disque peut se diviser en 4 mouvements de 8 à 12 minutes, correspondant chacun à des caractères différents bien marqués :
 - ‘Ruckzuck’ garde une prédominance rythmique, motivé par un violon électrique et une flûte un peu maltraîtée, avant de sombrer peu à peu dans une forme d’anarchie expérimentale. On y repère aussi le thème d’ouverture qui sera rappelé par celui du titre ‘Trans Europa Express’, issu de l’album du même nom (sorti en 1977).
 - ‘Stratovarius’ est quant à lui beaucoup plus véhément et bruitiste. Un peu spatial, un peu angoissant, présentant encore des rythmes tenaces mais tout en froissant, déchirant les textures sonores.
 - Après des oscillations de sons gondolées, ‘Megaherz’ se transforme en une belle plage atmosphérique et sereine, réalisée en duo par Schneider et Hütter.
 - Enfin ‘Vom Himmel Hoch’ reste une magnifique trouvaille imitant le son des avions de guerre grâce à leurs synthétiseurs (avec usage massif de l’effet Doppler). Le cœur du morceau révèle par ailleurs un court dialogue burlesque, drôle et ludique, entre synthés-robots. Peut-être un avant-goût de l’avenir…
Dès lors, Kraftwerk a déjà cette propension à imiter des objets réels de notre quotidien ou de notre futur, de façon sémiotique, à travers des sons très évocateurs. On le verra plus tard avec ‘Autobahn’ ou ‘Trans Europa Express’, notamment.

Renié par le groupe, plus que difficile à trouver (n’est plus édité depuis un moment déjà), le premier album de Kraftwerk, petit trésor vieillot, garde pourtant une certaine jeunesse et influença probablement tout un pan de la musique expérimentale et minimale.

Note : 5/6

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