Expérimental / Avant-garde (Allemagne)
Il est intrigant de chroniquer dans un même mouvement Ash Ra Tempel, Tim Buckley et Nico. Ce n’était pas fait exprès au départ, mais au fil des nouvelles écoutes je vois des points communs entre ces artistes, aussi différents soient-ils. Ils ressemblent tous à des prophètes, chantent parfois au bord de l’incantation, et créent un univers quasi-mystique et allégorique. Tim Buckley et Nico sont liés notamment par le label Elektra (Tim Buckley reste par ailleurs assez réfractaire à l’univers warholien)… Ash Ra Tempel et Nico alimentent véritablement un climat et une identité germaniques… Tim Buckley et Ash Ra Tempel développent parfois un psychédélisme acide… Et puis bien sûr, les trois ont des vues avant-gardistes et expérimentales, et c’est bien pour cela qu’ils sont chroniqués en ces lieux.
Il est donc temps de se plonger dans Desertshore, notre destination. Avec The Marble Index Nico avait le style, il lui restait désormais à aller plus loin, en termes de qualité et de personnalisation de sa musique. Nico suit ici le même chemin que sur The Marble Index, toujours avec John Cale, compagnon de route très précieux à la production et derrière de nombreux instruments. On retrouve encore cette poésie des profondeurs, ces psaumes et litanies venus d’ailleurs, ce chant funeste, rude et monotone… cette forme de célébration spectrale et désenchantée, comme sur l’emblématique ‘Janitor of Lunacy’. Desertshore consacre ici le règne d’une musique ascétique et sépulcrale, lorgnant vers des horizons néo-classiques, mais happée par une influence médiévale, entrant dès lors dans le carrefour des époques.
Il y a pourtant des percées de lumière sur ce disque, certes toutes relatives. En fait, je le trouve moins agoraphobe que le précédent. Si ‘Abschied’ et ‘Mütterlein’ correspondent aux moments menaçants du disque, aidés par cet harmonium dépouillé, le très beau ‘Afraid’, avec son piano délicat et ses cordes désuètes, reste un peu le rayon lumineux de l’œuvre, aussi mélancolique soit-il. ‘Le petit chevalier’, chantonné par son fils, est également un moment étrange et naïf, presque vital, émergeant de manière contrastée au sein d’un univers infini et dévasté. Comme le disque précédent, Desertshore entretient en effet une forme de vertige par rapport aux panoramas sonores désolés et post-apocalyptiques de sa musique.
Le disque est aussi en relation concrète avec l’image. Encore une fois, il y a un lien avec le cinéma, et plus précisément celui de Philippe Garrel ; le suprême ‘The Falconer’ accompagne Le lit de la vierge et ‘Abschied’ & ‘Mütterlein’ La cicatrice intérieure. La pochette présente d’ailleurs une image de ce film, dans lequel Nico et son fils Ari voguent à travers l’Egypte et l’Islande. Ces deux pays très différents sont intéressants à relever, puisqu’ils symbolisent, en extrapolant, l’universalité et/ou la pluralité des espaces pouvant être évoqués dans la musique de l’album, qui marque dès lors un pas de plus dans le rapport son-image.
Mais plus simplement, Desertshore est un disque hanté, habité, unique et fondateur. Comme The Marble Index, il permet à Nico de devenir un peu malgré elle la muse de tout un courant gothique. Et surtout, avec ce troisième opus, l’héroïne tient son œuvre intime et lyrique, son classique de poésie musicale.
Note : 5,5/6
Il est donc temps de se plonger dans Desertshore, notre destination. Avec The Marble Index Nico avait le style, il lui restait désormais à aller plus loin, en termes de qualité et de personnalisation de sa musique. Nico suit ici le même chemin que sur The Marble Index, toujours avec John Cale, compagnon de route très précieux à la production et derrière de nombreux instruments. On retrouve encore cette poésie des profondeurs, ces psaumes et litanies venus d’ailleurs, ce chant funeste, rude et monotone… cette forme de célébration spectrale et désenchantée, comme sur l’emblématique ‘Janitor of Lunacy’. Desertshore consacre ici le règne d’une musique ascétique et sépulcrale, lorgnant vers des horizons néo-classiques, mais happée par une influence médiévale, entrant dès lors dans le carrefour des époques.
Il y a pourtant des percées de lumière sur ce disque, certes toutes relatives. En fait, je le trouve moins agoraphobe que le précédent. Si ‘Abschied’ et ‘Mütterlein’ correspondent aux moments menaçants du disque, aidés par cet harmonium dépouillé, le très beau ‘Afraid’, avec son piano délicat et ses cordes désuètes, reste un peu le rayon lumineux de l’œuvre, aussi mélancolique soit-il. ‘Le petit chevalier’, chantonné par son fils, est également un moment étrange et naïf, presque vital, émergeant de manière contrastée au sein d’un univers infini et dévasté. Comme le disque précédent, Desertshore entretient en effet une forme de vertige par rapport aux panoramas sonores désolés et post-apocalyptiques de sa musique.
Le disque est aussi en relation concrète avec l’image. Encore une fois, il y a un lien avec le cinéma, et plus précisément celui de Philippe Garrel ; le suprême ‘The Falconer’ accompagne Le lit de la vierge et ‘Abschied’ & ‘Mütterlein’ La cicatrice intérieure. La pochette présente d’ailleurs une image de ce film, dans lequel Nico et son fils Ari voguent à travers l’Egypte et l’Islande. Ces deux pays très différents sont intéressants à relever, puisqu’ils symbolisent, en extrapolant, l’universalité et/ou la pluralité des espaces pouvant être évoqués dans la musique de l’album, qui marque dès lors un pas de plus dans le rapport son-image.
Mais plus simplement, Desertshore est un disque hanté, habité, unique et fondateur. Comme The Marble Index, il permet à Nico de devenir un peu malgré elle la muse de tout un courant gothique. Et surtout, avec ce troisième opus, l’héroïne tient son œuvre intime et lyrique, son classique de poésie musicale.
Note : 5,5/6
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