samedi 20 mai 2006

PEARLS BEFORE SWINE Balaklava (1968)

Pearls Before Swine - Balaklava
Psychédélisme / Folk (USA)


Tom Rapp ne peut pas faire deux fois la même chose, deux fois le même album. Certes, Balaklava explore encore une fois un monde obscur et surréaliste en sollicitant une petite formation musicale de chambre, mais ce deuxième album est définitivement plus expérimental que son prédécesseur et laisse encore plus de place aux atmosphères, mettant de côté l'aspect mélodique pur. Tom Rapp et son groupe ont su élargir un univers sonore en y faisant résonner l'écho et la magie de compositions lucides et fertiles. La voix se fait plus légère, les cordes voguent en apesanteur, les cuivres s'évaporent... Violon ensorceleur, cloches scintillantes, bois et vents magiques, illuminations psychiques, visions expérimentales : chez Pearls Before Swine la musique de chambre a su rencontrer le folk psyché et acide des années soixante. Les arrangements sont particulièrement soignés et les musiciens font résonner le murmure de la nature... Le songwriting clairvoyant et translucide du ménestrel Tom Rapp engendre huit compositions de haut niveau, mais donne surtout un aspect métaphysique et surnaturel au disque. Si certains albums d'époque semblaient très terre-à-terre, ceux de Pearls Before Swine s'élèvent vers les cimes de la créativité et de l'imagination. Le groupe cultive une esthétique de chaos minimaliste et de démesure féerique, derrière des chansons retenues, voire timides aux premiers abords. Par ailleurs, si le titre de l'opus évoque la bataille de Balaklava, Rapp en profite curieusement pour condamner une nouvelle fois la guerre du Vietnam : sa fascination pour l’histoire l’inspire réellement dans la composition. Le songwriter voit aussi sa musique comme une « mélancolie constructive », un mélange de réel (guerres de Crimée et du Vietnam, utilisation de bruits courants et réels) et d'irréel (poésie, univers de Tolkien par ex). Avec ‘Trumpet of Landfrey’ la charge est sonnée et de nombreux morceaux apparaissent progressivement pour planter le décor et tracer les contours du monde que Pearls Before Swine veut nous faire explorer (‘Translucent Carriages’, ‘I Saw the World’, ‘Images of April’ et ‘Lepres and Roses’). Quant à ‘There Was a Man’, morceau folk, simple et dépouillé, il s'agit d'un petit chef d'oeuvre miniature qui pourrait rendre Dylan envieux. Et n'oublions pas cette reprise de ‘Suzanne’ de Leonard Cohen, issue de son très bon premier album. Surgissant de la terre féconde ou de la mer brillante, s'évaporant jusqu’au firmament, toutes ces chansons si délicates et célestes font déjà partie des grandes compositions de la décennie. Le disque semble avoir répondu au pari d'allier un folk riche et érudit à des chansons plus accessibles que celles du premier album. L’histoire devra se souvenir de Balaklava, album incontournable, mystique et atemporel.

Note: 5,5/6

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