Progressif Symphonique (Angleterre)
Ma conquête de Going for the One fut réalisée dans la douleur. Mais, au bout du compte, la réconciliation fut grande. Lorsqu’il s’agit de disques avec lesquels on a entretenu une relation conflictuelle, on finit toujours par les chérir d’une façon particulière, sans pour autant les considérer nécessairement comme des chefs d’œuvre ou des incontournables de notre discothèque. De mon côté, Going for the One n’échappe pas à la règle.
D’une façon objective, on ne pourra reprocher à ce disque l’originalité de ses couleurs sonores et de ses agencements de motifs. En revanche, si l’on veut être un tant soit peu critique, il est à noter inévitablement que le morceau-titre, tout comme la chanson ‘Wonderful Stories’, renferment en eux-mêmes un certain nombre de fautes de goût plutôt douteuses. Mais on ne tiendra pas rigueur à Yes pour ces petits écarts, car le reste du disque est plutôt de qualité. Pensons à ‘End of the century’, une ballade sympathique, aérée et équilibrée, parfois triste et amère, avec un bon dernier refrain. Quant à ‘Parallels’, il s’agit d’un morceau entraînant qui apporte sa pierre à l’édifice de façon astucieuse.
Mais comment négliger le sommet de la montagne, j’ai nommé ‘Awaken’ ? Ici cette petite pièce-montée fait figure de classique dans la discographie du groupe. Épique et impressionnante, un monument. Je propose deux types de lecture :
- la première : en tenant compte de l’aspect magique, irréel et fantastique de ce morceau. Ici la perception de l’auditeur sera envoûtée par les atmosphères transparentes et lumineuses du morceau, son architecture complexe, et les sections menées par la puissance terrassante de l’orgue glorieux et triomphant de Rick Wakeman. Des passages impressionnants et imposants savent laisser place à des parties plus légères et délicates, et ces différents contrastes parfaitement orchestrés permettent l’émergence d’une aura musicale, sainte et céleste. Quand ce n’est pas la chorale d’anges qui nous emmène vers le ciel et les astres, c’est la voix de Jon Anderson qui nous guide dans les visions psychédéliques de cet univers qui s'ouvre de manière si irréelle.
- La seconde lecture de ‘Awaken’ est en total contre-pied : il s’agit de l’aborder avec un peu de recul et avec humour. C’est une idée qui me traverse l’esprit, notamment quand j’entends Rick Wakeman balancer la sauce avec ses claviers du feu de dieu. Quand ce virtuose lâche la grosse cavalerie, on est irrémédiablement pris dans la tornade. Mais on aurait aussi tendance à considérer tout cela avec second degré, tant le morceau tourne alors autour des poncifs du progressif (claviers en cascade, technicité…) Wakeman semblerait presque dépassé par son propre instrument.
Going for the One est un disque de progressif brut, un vrai de vrai. Entaché de diverses fautes de goût inhérentes au style de Yes, il permet néanmoins l'émergence d'un monstre, ‘Awaken’, inscrit au patrimoine du groupe. Globalement je pense que ce disque moderne n’est pas dépourvu d’une certaine excellence. À la longue, l’identité et l’atmosphère générale finissent même par nous faire oublier, parfois, les écarts de l'album.
Note : 4,5/6
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