Progressif (Angleterre)
Sous quels traits se cache celui qu’on nomme communément « fan » ? Quelle attitude peut-il avoir face à un disque qui se situe parmi les plus faibles d’un groupe donné ? Islands de King Crimson est un disque qui pourrait être intéressant pour tester cela… car cet album n’est pas, paraît-il, le plus réputé de leur discographie. À tort ?
Deux attitudes pourraient être distinguées. Le fan peut tout accepter, un peu malgré lui, mais aussi parce qu'il aime la marque de fabrique des musiciens (et quand elle n’est plus là il la cherche d’une façon ou d’une autre). Bref il pardonne tout, il ne recherche pas l’objectivité, il est irrémédiablement attiré. En revanche, et c'est la seconde possibilité, il peut être très exigeant, et pousser sa critique au maximum de l’intransigeance. Là, les écarts ne sont plus permis.
Dans Islands on se trouve entre l’océan et l’espace, un peu perdu dans une immensité qui nous désoriente. Mais deux perles vont contribuer à nous émerveiller au sein de cet univers de poussières d'étoile.
- La première, ‘Sailor’s Tale’, est un instrumental plein de tensions, extrêmement bien maîtrisé. Résolument jazz, il nous invite dans un monde mystérieux, regorgeant d'une inquiétude exprimée de façon troublante par le mellotron, judicieusement utilisé. Il propose également une coda, particulièrement lugubre, troublante et évocatrice, et donc très réussie.
- La seconde parle, ‘Islands’, est un énorme atout pour le disque. Un morceau prodigieux, somptueux, délicat et romantique, intime et mélancolique. Ici, nous sommes clairement habité par un sentiment d’éternité dont nous trouvons l’origine au plus profond de le composition, quand ce n’est pas au plus profond de nous-mêmes.
Les autres morceaux sont cependant un tantinet en deça… Si 'Formentera Lady', le morceau d'ouverture, avec l'impulsion que donne son jazz échevelé, a beaucoup à donner, ‘Ladies of the Road’ ne sera quant à lui pas du goût de tout le monde et casse peut-être un peu l’ambiance du disque. Parfois on y entendrait presque les échos de la voix de Lennon dans l’espace. Le timide ‘The Letters’ et les cordes de ‘Prelude Song of the Gulls’, complètent le tableau sans prétention.
Islands ne mérite pas de rester dans l'ombre. Peut-être que ce disque semblera inégal, incohérent, chaotique... il ressemble finalement au parcours d'un groupe souvent en proie à des turbulences internes, avec ses écarts, ses folies... et surtout sa richesse intérieure. Soigné et technique, réalisé avec une grande minutie, il ne peut que susciter un intérêt réel, quelle que soit notre vision de Crimson. Sinon, il nous restera toujours la possibilité d’emprunter les vertus de ‘Sailor’s Tale’ et de ‘Islands’... juste le temps d’un voyage sur une île… dans l’espace… parce qu’après, c’est le trou noir : celui du split.
Note : 4,5/6
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire