dimanche 12 janvier 2014

MAGMA Mekanïk Destruktïẁ Kommandöh (1973)

Magma - Mekanïk Destruktïẁ Kommandöh
Zeuhl (France)


1973… encore toi, année dorée… Tu t’ouvres ainsi à la transe de Magma, et à ses obsessions… Mekanïk Destruktïẁ Kommandöh est le troisième mouvement de la trilogie Theusz Hamtaahk, même s’il est le premier enregistré. C’est aussi le disque originel, l’an 0 pour Magma, le centre névralgique de la tentaculaire discographie d’un groupe à plusieurs dimensions. S’il incarne la vraie naissance de l’esprit Magma, il symbolise également l’intensification des forces de la vie, derrière un caractère pourtant sombre et élégiaque.

Mécanique et primal, le monolithe de Magma est intimidant. Si son esprit rôde encore, le jazz fusion semble parti en fumée, broyé par les températures et les éruptions étourdissantes de ce troisième opus. C’est ainsi qu’une musique emphatique aux accents teutons déboule et se dévoile en pleine lumière : l’ouverture ‘Hortz Fur Dëhn Stekëhn Ẁest’ brille par la superposition de ses chœurs et de sa rythmique, imperturbables. Aux velléités guerrières du concept, le contenu de Mekanïk Destruktïẁ Kommandöh offre ses répétitions insistantes de patterns, son langage dur, ses rythmes décalés, martelés et autoritaires. Une musique mathématique et inquiétante, parfois assommante, souvent obsédante.

Mais ce n’est pas tellement la dimension grandiose, inédite et conceptuelle qui fait de Mekanïk Destruktïẁ Kommandöh un grand disque ; j’y vois plutôt une œuvre précise, subtile, faite d’arrangements en or fin. Un opéra extraordinaire, mais peaufinant son art de façon plus classique et « terrestre », gardant même parfois un côté « musique soignée de conservatoire ». C’est toute l’attention apportée aux instrumentations qui donne au disque sa force, agrémenté d’une production noire et lustrée, de grande qualité (écoutez les magistraux ‘Ïma Sürï Dondaï’ & ‘Kobaïa Iss de Hündïn’). Les textures sont éclatantes et le rôle de chaque élément bien mis en valeur : la clarté du piano, percutant ; l’emphase des chœurs et des cris guerriers ; les cuivres rutilants ; la touche jazz cosmique apportée par la guitare lead…

La dualité puissance/subtilité se met au service d’une progression musicale saisissante. Tout le long de l’opus, la belle mécanique de Magma gagne du terrain. Elle progresse inexorablement, écrasant tout sur son passage, et s’offrant la victoire. Cela est assez flagrant sur ‘Nebëhr Gudahtt’, avançant sur un tapis de velours pour proposer une merveilleuse montée de tension, déchirante, et parfaitement exécutée, malgré quelques cris un peu surjoués. Le titre débouche sur ‘Mekanïk Kommandöh’, exultant jusqu’à l’euphorie, voire la danse extatique. Si le disque semble s’accomplir ainsi dans une certaine folie, ‘Kreühn Köhrmahn Iss de Hündïn’, le titre final, semble chanter avec douceur un paysage dévasté.

Mekanïk Destruktïẁ Kommandöh fait sensation. On pourra regretter que certains chants/cris excessifs et quelques redondances poussent le concept à ses limites (sur ‘Da Zeuhl Ẁortz Mëkanïk’, parfois). Mais le troisième album du groupe demeure un disque particulièrement abouti et poignant, une œuvre vibrante et dynamique explorant certaines directions proposées par Carl Orff, Igor Stravinsky ou encore Béla Bartók. Hostile et imposant, il propose en parallèle un vrai régal d’instrumentations. Et pour cause, il est véritablement le siège d’un combat entre puissance et subtilité, que la seconde aura finalement remporté.

Note : 6/6

Morceaux fétiches : ‘Ïma Sürï Dondaï’, ‘Kobaïa Iss de Hündïn’, ‘Nebëhr Gudahtt’, ‘Mekanïk Kommandöh’, mais un peu tout en fait…

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