lundi 20 janvier 2014

MAGMA Köhntarkösz (1974)

Magma - Köhntarkösz
Zeuhl (France)


Köhntarkösz est comme un flux de pensée, ou comme un spectre sombre et inquiétant avançant progressivement, de façon latente, comme tapi dans l’ombre. Magma montre une nouvelle facette de son art, ici plus expérimental, là où le groupe me plaît davantage. Avant tout, le groupe nous propose un imposant morceau titre, formé de deux sections d’une quinzaine de minutes. Il présente aussi deux petites compositions de cinq minutes environ : ‘Ork Alarm’ du bassiste Jannick Top, et ‘Coltrane Sündïa’, en hommage au maître.

Cet album représente l’un des premiers contacts que j’ai eu avec le groupe. Mystérieux, il avait plusieurs secrets à révéler. Loin de la musique « totale » de Mekanïk Destruktïẁ Kommandöh, Köhntarkösz n’en demeure pas moins une forme d’alter ego, en « négatif photographique ». Si le groupe n’a cessé de gagner en renommée, il semble ici se diriger vers une musique de plus en plus intérieure, délaissant cette fois les cuivres, mais jouissant toujours des atouts du groupe : ses chants venus d’ailleurs, ses claviers sinueux et son assise rythmique, incarnée par Christian Vander et Jannick Top.

La première partie du morceau titre est une véritable réussite. Le tempo est entretenu ici de manière lente et pensante, comme marque de fabrique d’un disque étrange. Tout semble cohérent, autonome et en parfait équilibre. Les atmosphères sont évocatrices, insidieuses, mais charment l’écoute. Les instruments et les voix semblent s’écouter, voire s’observer. Le morceau est un vrai régal, pourtant mêlé d’interrogations. La montée en tension de la composition aboutit à l’apparition brutale d’un clavier saturé, appuyé par un étourdissant travail d’harmonies au piano, dures et implacables.

Pourtant, la fin de la première partie du morceau ‘Köhntarkösz’ annonce une forme de sérénité, comme celle parfois rencontrée chez Popol Vuh. Mais il n’en est rien : la seconde partie débute avec pour trame de fond cette même inquiétude, comme caractère dominant. C’est ensuite l’univers de Soft Machine qui s’offre à nous, avec de nouveau les tribulations d’un clavier saturé, toujours soutenu par des parties de piano et des vocaux en pointillés. Le titre s’enferme ensuite dans des répétitions un peu assommantes, avant de se retrouver ses esprits pour une coda triomphale et libératrice, plutôt réussie.

Concernant les deux autres titres, ‘Ork Alarm’ reste une curiosité un peu électronique et extra-terrestre, étonnante mais pas forcément palpitante, avec ses notes de violons hachées et monotones. Écrite par Jannick Top, cette composition un peu amusante et un peu inquiétante préfigure une autre façon de faire de la musique sombre. Elle pourra éventuellement servir de support aux développements d’Üdü Ẁüdü, le disque suivant. Quant à ‘Coltrane Sündïa’, le dernier titre, il est parfait pour la quiétude d’un dimanche. Une référence explicite à Coltrane, l’icône originelle, pour un morceau calme et léger, où le piano est roi. De l’expérimental discret, tout en douceur.

Derrière son aspect labyrinthique, Köhntarkösz s’apparente à une nouvelle révélation. Malgré l’échec commercial, il devient un disque majeur dans la discographie fragmentée de Magma, notamment pour son merveilleux morceau titre, parfaitement maîtrisé dans chaque direction entreprise. Cependant le climat commençait déjà à s’assombrir, l’époque devenant synonyme de tension musicale comme de débauches physique et nerveuse, amenant une mystérieuse dissolution en 1974. Pour un nouveau départ ?

Note : 5/6

Morceau fétiche : ‘Köhntarkösz’ (première partie notamment)

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