dimanche 7 avril 2013

PINK FLOYD The Dark Side of the Moon (1973)

Pink Floyd - The Dark Side of the Moon
Psychédélisme/Progressif/Expérimental (Grande-Bretagne)


Tant de choses ont été écrites, dites, vécues avec cet album, The Dark Side of the Moon... Dans cette chronique, je ne pense pas apporter grand-chose sur l’une des œuvres les plus fameuses de l’histoire du rock. Et accessoirement des ventes de disques (voire de chaînes hi-fi…)

Toutefois, j’aimerais brièvement parler d’un paradoxe que renferme la pierre noire de la discographie de Pink Floyd. En effet, beaucoup reprochent à ce disque son côté « trop parfait », trop lisse, et donc son aspect fade, sans âme et sans saveur. Suscitant indifférence, ennui et lassitude. Devant le travail impeccable réalisé à la production, on peut comprendre cet avis. Et c’est vrai que plane un peu cet aspect hermétique et froid, tout le long du disque.

Pourtant, j’ai l’impression que cet album est insufflé par le son d’une époque et, au final, restant lui-même très personnel, par son propre son, sa propre identité. La direction artistique proposée par ce disque est à double tranchant ; si l’on ne ressent rien, on accusera une production et des chansons sans relief. Mais d’un autre côté son identité, quand on la perçoit, en fait un disque clé dans l’histoire en lui donnant une place à part, une singularité.

Et puis voir un disque conceptuel s’introduire dans le monde mainstream est déjà un tour de force. D’ailleurs, honneurs aux deux acteurs qui auront joué le rôle de filtres entre cette musique et le grand public : Alan Parsons pour sa production musicale, fondamentale, et Bhaskar Menon pour sa production marketing et commerciale, particulièrement efficace.

Je me souviens avoir entendu Roger Waters dire que l’album était "driven by emotion", ce qui peut, justement, sonner curieusement par rapport à l’argumentaire des pourfendeurs de Dark Side. Pourtant, les frissons sur ‘Time’ sont bien réels. L’atmosphère d’époque très Zeitgeist de ‘Breathe’ également. Et que dire de cette magie qui nous illumine, le temps d’un morceau, ‘Us & Them’, comptant parmi les plus belles compositions du groupe, à la fois… intime et fédérateur. À moins que l’on ne cède à l’envoûtement, le temps d’un grand concert dans le ciel ; Rick Wright apporte encore une fois une touche essentielle, ‘The Great Gig in the Sky’ restant un des moments phare de l’œuvre.

A cette émotion se mêle un concept clé pour Waters : « l’empathie ». Elle imprègne le disque, lui donne toute cette approche conceptuelle. Les thématiques se rapprochent de M. tout le monde : le stress du travail, l’angoisse de la guerre, l’amour, la folie, la mort. On se reconnaît parfois dedans, et l’être humain y est finalement décrit, compris, pas forcément excusé. Un concept… intime et fédérateur, encore une fois.

Et puis les outils, les armes. La technologie qui illustre à merveille le concept d’une modernité étouffante. Un synthé EA. Des oscillations, des spectres. De l’effet Doppler. De la pop et du jazz. Le passé. Le futur. Ces réveils et pendules qui vous foutent la trousse. Ces voix noires et blanches. Ces notes de cristal. Les variations de styles divers, au sein d’un monolithe, d’une pierre noire, d’un diamant. Un diamant noir, dans lequel des groupes aussi divers que Dream Theater, Anathema ou Air, viendront puiser leurs influences.

Point besoin de s’appesantir sur ‘Money’. Autre exemple dans la carrière du Floyd dans lequel un songwriting approximatif et un tantinet benêt sera détourné de façon maligne, ici à coup de bruit de caisses enregistreuses et de basse sautillante. Alors oui, c’est vrai que le final du disque est un peu pompeux, ‘Eclipse’ refermant le disque de façon un chouia grandiloquente. Mais peut-être est-ce ‘Brain Damage’, morceau troublant le précédant, qui lui fait de l’ombre, avec son écriture introspective. Ces deux titres resteront en tout cas marquants dans les mémoires pour leur enchaînement, leur opposition, leur fusion.

En fait, à force de dire que Dark Side est surestimé, il va finir par devenir sous-estimé, finalement. Enfin presque. J’ai eu à certains endroits un regard désapprobateur sur cette œuvre, une relation conflictuelle aussi parfois. Curieusement, je maintiens le constat de ses défauts réels, mais ne peux nier une certaine aura. Je ne sais encore s’il s’agit, comme dit, de celle de l’époque durant laquelle elle a été créée. Ou alors s’agit-il de ces moments pendant lesquels je l’ai découverte… Il n’empêche de Dark Side mérite sa chance. Et même si la vénération entière et suspecte dont il est l’objet peut énerver, ne perdons pas l’occasion d’être éclairés par ses rayons et ses couleurs.

Note : 5/6

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