Jazz Rock (U.S.A.)
Si Zappa mêle l’humour à la musique, on ne peut pas non plus négliger les parallèles avec le 7ème art. En effet, ses créations semblent parfois se dérouler comme un film, avec son intrigue, ses concepts et ses répliques, ses moments forts, ses phrases cultes. Un groupe plus récent comme Mr Bungle aurait par exemple une approche parfois similaire. Et puis, en ouvrant Hot Rats, le doute n’est plus permis : "The movie for your ears was produced and directed by Frank Zappa".
Hot Rats est un disque phare parce qu’il permet d'une part de mettre en lumière certains aspects fondamentaux de la carrière de Zappa, et d'autre part de se frayer un chemin dans sa longue et tortueuse discographie. Un album (presque) entièrement instrumental, expérimental à sa façon, et de grande envergure. L’ensemble des morceaux est vraiment d’une solide homogénéité, et cette cohérence apporte un côté imposant au disque. Hots Rats représente un travail de composition et de production de haut niveau, sur les sons et les couleurs d’un rock doré et sophistiqué.
Fondamental pour l’époque, Hot Rats reste un support essentiel de jazz rock, animé par une culture de musique contemporaine. La rencontre est fructueuse, et pour ce faire, Zappa choisit cette fois de s’écarter du cycle d’albums réalisés avec les Mothers première mouture. Pour son deuxième disque dit « solo », il s’entoure d’un tout autre orchestre, technique et pro jusqu’au bout des doigts, avec des invités prestigieux comme Shuggie Otis et Jean-Luc Ponty. Certains musiciens seront d’ailleurs ses compagnons de route pour des albums futurs, réalisés avec d’autres versions des Mothers. Ian Underwood, fidèle multi-instrumentiste, qui avait déjà participé à d’autres œuvres de Zappa, lui prête main forte (piano, orgue, flûte, clarinettes, saxophones !). À noter aussi la présence de Captain Beefheart sur ‘Willie the Pimp’, bien évidemment. Les deux artistes amis n’auront d’ailleurs pas fini de collaborer (et aussi de se brouiller). Malgré ses changements, le disque garde pourtant une avancée logique dans le parcours de l’artiste.
Parmi les moments forts indiscutables, je retiens tout d'abord l’ouverture : brillante, lumineuse, radieuse, magique, euphorisante. ‘Peaches en Regalia’ est un des meilleurs morceaux de Zappa et l’une des plus belles introductions d’album. Un collage mélodique, jazzy et chaleureux... indispensable.
Le disque donne évidemment une forte place aux soli, que ce soit la guitare de Frank Zappa, le sax de Ian Underwood, ou le violon (Jean-Luc Ponty ou Don Sugarcane Harris). On le voit notamment sur ‘Willie the Pimp’, ‘Son of Mr Green Genes’, et évidemment ‘Gumbo Variations’ (la version CD réalisée en 1987 allonge d’ailleurs le solo époustouflant d’Underwood). L’improvisation reste absolument essentielle pour ce disque mais cela n’empêche pas d’être tout autant séduit par les titres plus « chantants », comme ‘Little Umbrellas’ et surtout ‘It Must Be A Camel’, ces moments de jazz soignés et mélodiques, de très bonne facture.
Hot Rats est un disque à deux dimensions, présentant à la fois des sections courtes, mélodiques, très soignées à l’écriture et à la production, et des moments d’inventivité libre et créative, d’effervescence musicale et de dépassement de soi. Ses avancées musicales insérées dans le contexte de l’époque, et le plaisir communicatif des titres le composant, font de Hot Rats une œuvre emblématique et enthousiasmante, célébrant la rencontre féconde entre le rock et le jazz.
P.S. : ce disque a été retravaillé en 1987 par Zappa. Cette chronique tient compte de la version LP originale de 1969. Des compléments sur ces différentes éditions, ici et là.
Note : 5,5/6
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire