vendredi 25 mai 2012

Frank ZAPPA & THE MOTHERS OF INVENTION Freak Out! (1966)

Frank Zappa - Freak Out!
Psychédélisme / Expérimental (U.S.A.)


L’écoute de Freak Out! est essentielle en bien des points. Elle reste indispensable pour comprendre la genèse du travail de Zappa d’une part, et pour se plonger dans les entrailles de l’époque d’autre part ; les expérimentations psychédéliques sont justement l’envers du décor, l’autre face de ces sixties mélodiques et chatoyantes.

Au milieu des années 60 émergeait-il autant de disques si ambitieux ? Freak Out!, œuvre des Mothers of Invention sous la houlette de Frank Zappa, est un disque de rock oblique, à la fois conceptuel et expérimental, psychédélique et intellectuel, notamment dans sa pièce finale complètement hors du temps, avant-gardiste et non conventionnelle : ‘The Return of the Son of Monster Magnet’, forme d’orgie simiesque et chaotique un peu dérangeante, un titre extra-terrestre pour l’époque, une ébauche plongeant ses racines dans les travaux sur percussions de Varese, pour lequel Frank Zappa avait beaucoup d’admiration. Et tout cela ne manquera pas d’inspirer Mr Bungle… Les deux morceaux qui précèdent cette longue pièce, ‘Help I’m a Rock’ et surtout ‘It Can’t Happen Here’, autres débauches musicales, l’annoncent véritablement, comme phases incantatoires, libres et déstructurées, schizophrènes et ébouriffantes. Zappa semble en avance sur son temps, mais également en tentant un décalage.

Cependant les autres morceaux, davantage imprégnés par les musiques sixties classiques, dans l’air du temps, ne sont pas en reste, loin de là, et parfois même soutenus par la puissance d’une section orchestrale. Il y a toujours une aura si particulière, qui se décline aussi bien dans l’énergie du puissant ‘I Ain’t Got No Heart’, que dans les mystères au terrifiant ‘Who Are the Brain Police?’, baignant quant à lui dans un esprit psyché de zombie... De plus Zappa montre son attachement profond pour le doo-wop sur ‘Go Cry on Somebody Head’s Shoulder’, écrit avec Ray Collins. Il peut également s’adonner à une forme de dramaturgie sur ‘How Could I Be Such A Fool’, appuyé par une solide et emphatique instrumentation, ou à davantage de légèreté enfantine, toujours maîtrisée, sur ‘Wowie Zowie’ (dont le titre, tout comme l’iconographie des Mothers, inspirera un célèbre album de Pavement dans les 90’s). Les mélodies sont souvent choyées, entraînantes, comme sur ‘Any Way the Wind Blows’, qui nous transporte 50 ans en arrière, avec une réelle authenticité. ‘I’m Not Satisfied’ garde toute sa force, ‘Trouble Every Day’ est une litanie animée par un harmonica brûlant, et ‘You’re Probably Wonderin Why I’m Here’ semble exemplifier, symboliser musicalement l’humour des Mothers. Enfin, on sent par moment dans certains titres, une forme de rage (proto-)punk subtile, une énergie rappelant furieusement l’atmosphère du genre. Il y a donc un travail d’écriture polyvalent et, quand on regarde le reste de la discographie de Zappa, on comprend que l’artiste a côtoyé toutes les époques, ce qui lui donne un aspect un peu « éternel », même si malheureusement, un crabe l’emporta en 1993.

Sarcastique, caustique, Frank Zappa s’attaque déjà à la société qui l’entoure. Cela dit, si le fond est presque consubstantiel à la forme chez Zappa, je me focalise bien davantage sur la seconde au détriment du premier. Ce qui m’intéresse avant tout ce sont les impulsions qu’il donne à l’histoire, la complexité de ses albums polymorphes, la fusion des genres, sa profonde érudition et sa passion pure pour l’art. De façon générale, le concept en musique est chose difficile à maîtriser : parfois il la transcende, parfois il la disqualifie trop facilement, la transformant en prétexte gratuit. Frank Zappa essayera tout de même de nous dire aussi quelque chose, sur les rapports incestueux entre musique et humour. L’occasion de vérifier tout cela à travers certains de ses classiques, que nous aurons le plaisir d’aborder.

Note : 5/6

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