SUPPLÉMENT : Fusion (U.S.A.)
Un des albums phare des années 90, indubitablement. Et un album ayant un écho vraiment très particulier en moi. C’est vrai, Faith No More reste l’un des premiers groupes de rock que j’ai vraiment apprécié. Mais à l’écoute d’Angel Dust se déroule un processus mental assez étrange : je me replonge dans mon enfance comme si les sons qu’il renferme semblaient l’illustrer. Et je reste pourtant persuadé ne pas l’avoir écouté à cette période-là…
Ainsi, je me revois avec mes amis, ou à la bibliothèque, section jeunesse dans le XVe, petit enfant, avec ma mère… Je me rappelle l’ambiance des premiers matchs de foot que je voyais à la télé, notamment européens, et puis le souvenir d’autres occupations, comme les jeux vidéo… Le son d’une époque, le début des années 90… Et c’est ce parfum qui imprègne cette musique qui doit probablement me faire replonger au moment de la sortie du disque. Ce groupe a une vraie valeur symbolique pour moi, pour sa musique, mais aussi pour cette sensation étrange qu’il semble me procurer.
Mais ce qui frappe au départ c’est sans doute cette image céleste en couverture… tandis que sur la pochette arrière sommeillent des pièces de viande pendues à des crocs de boucher… Un léger malaise s’installe. Et la musique ne peut qu’illustrer nettement cette opposition, ou plutôt cette fusion de deux caractères opposés symbolisant très bien la vie... et, d’une certaine manière, deux tendances polarisées entre lesquelles un songwriter doit parfois trancher.
Trois morceaux semblent parfaitement exemplifier cette alternative. Je pense d’abord à deux titres que j’associe souvent, tels des jumeaux : ‘Smaller and Smaller’ et ‘Malpractice’. Tous deux semblent terrifiants aux premiers abords avec leurs rythmiques exécutées par Jim Martin (guitare) et Mike Bordin (batterie) : métallisées, percutantes, menaçantes, prêtes à broyer… Et puis, en leur sein, se dévoile un passage plus éthéré, doux, aérien, qui ne doit pas se sentir bien à l’aise dans cet entre-deux, les guitares abrasives faisant ensuite leur retour, coupant tout espoir d’une trêve prolongée. A ces morceaux oursins, qui derrière les piquants de leur coque renferment une chaire lisse et crémeuse, se joint ‘Caffeine’, même si une tonalité plus nostalgique en émerge. Là encore on retrouve un petit passage central dans lequel les nappes semblent prendre plus d’importance.
Hormis les guitares, un autre élément d’importance façonne l’identité d’Angel Dust : la place des synthés de Roddy Bottum. Angel Dust est un disque ambivalent, céleste et effrayant, mais doté aussi d’un charme suranné produit par ses claviers somptueux et élégiaques, très évocateurs, tantôt majestueux, tantôt inquiétants. Ils sont à l’origine d’un des meilleurs morceaux que j’ai pu entendre dans ma modeste vie : ‘Midlife Crisis’… avec son couplet enivrant et son refrain assez déstabilisant, très FM, mais avec cette partie de guitare rugueuse qui vient couper sa dynamique de façon abrupte. La mélodie prend aux tripes et les paroles collent parfaitement à l’ambiance et au débit du chant. Il y a aussi un passage bien kitsch (on y notera d’ailleurs le sample des Beastie Boys, remanié ad hoc) qui tranche allègrement avec le reste, mais pour mieux mettre en valeur le retour du refrain, répété à l’infini, dans un final dont la maîtrise n’a d’égale que son efficacité. Mais je ne saurais oublier non plus mon deuxième morceau fétiche : ‘Kindergarten’, qui apporte un charme passéiste absolument troublant, grâce notamment aux claviers du refrain. La guitare se marie très bien avec eux d’ailleurs, comme sur ‘Everything’s Ruined’, qui lui aussi me transporte dans une forme de nostalgie étrange et dépaysante.
Angel Dust est un disque qui fait fusionner des apports personnels et différents, chaque musicien semblant inscrit à une place bien définie. Et l’on ne pourrait passer outre l’élément le plus évident : le chant (encore que l’évidence se définit par la façon dont on souhaite appréhender la musique du disque). Et le charisme d’un leader donc. Mike Patton est l’un des frontmen majeurs de sa génération, polyvalent et brillant, chantant et braillant, ou jouant le gendre idéal. Il donne toute une impulsion aux morceaux, bien évidemment.
Un autre axe de base : la basse tonique et sinueuse de Billy Gould. Chaloupée, presque funky. Donnant le contrepoint parfait aux lignes droites des claviers. Cela s’entend bien sur ‘Land Of Sunshine’, la célèbre ouverture brillant notamment pour sa dynamique du couplet, et sur la fin de ‘Crack Hitler’, un morceau simple et plutôt entraînant.
C’est vrai, je reconnais que certains morceaux de la fin du disque sont un peu moins bons. ‘B.E. A.G.R.E.S.S.I.V.E’ étant quand même assez particulier et ‘A Small Victory’ aussi : jusqu’à 1:15 c’est quasi parfait, après c’est au-delà de mes compétences. Mais là aussi, c’est subjectif.
Je finirais sur l’explication de ma note, sur le sens que je lui donne… Le disque est largement perfectible et certains sons auront probablement mal vieilli. Mais il y a une vraie force de concept, une créativité ingénieuse, une identité propre vraiment unique et fondatrice, une homogénéité inespérée malgré un ensemble déstructuré aux premiers abords, la présence d’une de mes compos favorites… et ce charme envoûtant, cet aura qui me parle de façon si particulière… Ce 6 est plus une note de cœur que de raison même si nombre d’arguments pleinement objectifs parlent pour cet album, à n’en pas douter.
Note : 6/6
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