Canterbury / Jazz Prog / Expérimental (Angleterre)
Soft Machine avait commencé à nous habituer à des morceaux plutôt courts, voire très brefs, sous forme de subdivisions éparpillées dans des albums de longueur raisonnable. Avec Third, le groupe nous laisse avec un disque gargantuesque de quatre morceaux d’une vingtaine de minutes chacun. Le résultat est particulièrement imposant. Avec Third, Soft Machine tient son classique et l’une des œuvres les plus importantes de l’époque et du genre.
Plusieurs sections alambiquées sont reliées par la magie du collage, ce qui donne un aspect patchwork plutôt intrigant. Les débats sur la production sont à mon sens ici superflu, les edits réalisés donnant finalement un charme intemporel et un halo supplémentaires à l’opus. Le groupe décide de se rapprocher encore un peu plus du jazz en restant expérimental (notamment à travers l’influence du minimalisme électronique de Terry Riley). Les musiciens engagés confirment cette option jazzy ; le trio explosif s’entoure d’Elton Dean (saxophone alto et saxello), Nick Evans (trombone), Jimmy Hastings (flûte et clarinette basse), et également de Lyn Dobson (flûte et saxophone soprano). Ajoutons aussi pour compléter l’équipe la présence de Rab Spall, au violon.
.Acte I, ‘Facelift’, livre de Hugh Hopper. Enregistré live, par bribes, et retravaillé en studio. Il se découpe en plusieurs sections offrant parfois des climats assez différents. Le King Crimson de ‘21st Century Schizoid Man’ n’est pas toujours très loin, notamment pour l’agitation musicale des instruments qui semblent caqueter dans une cacophonie fiévreuse. L’orgue de Mike Ratledge est volcanique et se livre à des soli pleins d’étincelles, se mariant bien avec les déchaînements de sax d’Elton Dean. ‘Facelift’, déjà très expérimental, demeure un premier moment majeur.
.Acte II, ‘Slightly All the Time’, livre d’Elton Dean, écrit par Mike Ratledge. Ici nous nous trouvons devant un jazz lyrique et mélodique, aux abords plus chaleureux. Le morceau semble se dérouler comme un flux de conscience brûlant et radieux, me rappelant d’ailleurs divers souvenirs. Les mélodies sont sublimes, rêveuses... Du très grand art. Pour plus de précisions sur les subdivisions de cette composition, je renvoie vers ce paragraphe de wikipedia.
.Acte III, ‘Moon in June’, livre de Robert Wyatt. Le morceau le plus emblématique du disque, mais un des moins jazzy. Ici on est carrément dans le monde du musicien, dans sa psyché, face à son testament artistique au sein de la machine molle (et le dernier morceau avec textes du groupe si je ne m’abuse). La structure, les alliages de sons et d’ambiances différentes (venant de chansons de Wyatt plus anciennes), tout comme l’univers qui en émerge sont les atouts principaux de la composition (j’apprécie également beaucoup la mélodie enivrante à 7:08). La fin du titre devient même davantage métaphysique, la voix rappelant celle d’un singe voguant vers les cieux. Monkey gone to heaven… Le chant pour des adieux prochains, venant d’un musicien hors pair au sein d’un titre (quasiment) interprété par lui seul.
.Acte IV, ‘Out-Bloody-Rageous’, livre de Mike Ratledge. Plus proche de la musique sérielle, très expérimental, axé sur le travail des bandes et des boucles… Une forme d’alternance s’installe entre nappes liquides et ambiantes, et sections jazz soyeuses et intenses... À noter aussi une intrusion de piano très judicieuse, à laquelle se joignent des envolées de sax, baignant dans atmosphères hypnotiques. Magique et magistral. Un des morceaux les plus troublants et méditatifs du groupe, un des plus lumineux aussi, et un de mes favoris.
On avait déjà entrevu les secrets du style Canterbury, dérivé d’une école, à la fois polymorphe, décentré géographiquement (tous ses artistes ne viennent pas de Canterbury), mais gardant un dénominateur commun pour tous ces musiciens : cette magie de l’improvisation et de ces harmonies lumineuses, libres et parfois cuivrées qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, le tout mêlé à une forme d’esprit pop. Ici, au-delà de toutes les classifications, nous tenons là un disque majeur, une référence absolue dans les expérimentations modernes, émotives et riches, avec toujours en ligne de mire une certaine exemplarité et une grande liberté dans la composition et l’interprétation. Une pure merveille.
Note : 6/6
Plusieurs sections alambiquées sont reliées par la magie du collage, ce qui donne un aspect patchwork plutôt intrigant. Les débats sur la production sont à mon sens ici superflu, les edits réalisés donnant finalement un charme intemporel et un halo supplémentaires à l’opus. Le groupe décide de se rapprocher encore un peu plus du jazz en restant expérimental (notamment à travers l’influence du minimalisme électronique de Terry Riley). Les musiciens engagés confirment cette option jazzy ; le trio explosif s’entoure d’Elton Dean (saxophone alto et saxello), Nick Evans (trombone), Jimmy Hastings (flûte et clarinette basse), et également de Lyn Dobson (flûte et saxophone soprano). Ajoutons aussi pour compléter l’équipe la présence de Rab Spall, au violon.
.Acte I, ‘Facelift’, livre de Hugh Hopper. Enregistré live, par bribes, et retravaillé en studio. Il se découpe en plusieurs sections offrant parfois des climats assez différents. Le King Crimson de ‘21st Century Schizoid Man’ n’est pas toujours très loin, notamment pour l’agitation musicale des instruments qui semblent caqueter dans une cacophonie fiévreuse. L’orgue de Mike Ratledge est volcanique et se livre à des soli pleins d’étincelles, se mariant bien avec les déchaînements de sax d’Elton Dean. ‘Facelift’, déjà très expérimental, demeure un premier moment majeur.
.Acte II, ‘Slightly All the Time’, livre d’Elton Dean, écrit par Mike Ratledge. Ici nous nous trouvons devant un jazz lyrique et mélodique, aux abords plus chaleureux. Le morceau semble se dérouler comme un flux de conscience brûlant et radieux, me rappelant d’ailleurs divers souvenirs. Les mélodies sont sublimes, rêveuses... Du très grand art. Pour plus de précisions sur les subdivisions de cette composition, je renvoie vers ce paragraphe de wikipedia.
.Acte III, ‘Moon in June’, livre de Robert Wyatt. Le morceau le plus emblématique du disque, mais un des moins jazzy. Ici on est carrément dans le monde du musicien, dans sa psyché, face à son testament artistique au sein de la machine molle (et le dernier morceau avec textes du groupe si je ne m’abuse). La structure, les alliages de sons et d’ambiances différentes (venant de chansons de Wyatt plus anciennes), tout comme l’univers qui en émerge sont les atouts principaux de la composition (j’apprécie également beaucoup la mélodie enivrante à 7:08). La fin du titre devient même davantage métaphysique, la voix rappelant celle d’un singe voguant vers les cieux. Monkey gone to heaven… Le chant pour des adieux prochains, venant d’un musicien hors pair au sein d’un titre (quasiment) interprété par lui seul.
.Acte IV, ‘Out-Bloody-Rageous’, livre de Mike Ratledge. Plus proche de la musique sérielle, très expérimental, axé sur le travail des bandes et des boucles… Une forme d’alternance s’installe entre nappes liquides et ambiantes, et sections jazz soyeuses et intenses... À noter aussi une intrusion de piano très judicieuse, à laquelle se joignent des envolées de sax, baignant dans atmosphères hypnotiques. Magique et magistral. Un des morceaux les plus troublants et méditatifs du groupe, un des plus lumineux aussi, et un de mes favoris.
On avait déjà entrevu les secrets du style Canterbury, dérivé d’une école, à la fois polymorphe, décentré géographiquement (tous ses artistes ne viennent pas de Canterbury), mais gardant un dénominateur commun pour tous ces musiciens : cette magie de l’improvisation et de ces harmonies lumineuses, libres et parfois cuivrées qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, le tout mêlé à une forme d’esprit pop. Ici, au-delà de toutes les classifications, nous tenons là un disque majeur, une référence absolue dans les expérimentations modernes, émotives et riches, avec toujours en ligne de mire une certaine exemplarité et une grande liberté dans la composition et l’interprétation. Une pure merveille.
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