dimanche 16 juillet 2006

THE PRETTY THINGS S. F. Sorrow (1968)

The Pretty Things - S.F. Sorrow
Pop/Rock/Psychédélisme (Angleterre)


Coup de théâtre : l'Angleterre nous livre son premier « opéra rock » de l’histoire. Un retournement de situation dans la carrière des Pretty Things, qui deviennent avec ce disque des artistes majeurs et influents, mais pas encore vraiment populaires. Notons que Pete Townsend des Who s'est nettement inspiré de ce disque pour construire le célèbre Tommy. Le morceau ‘Trust’ sur SF Sorrow annonce d’ailleurs un peu ‘Christmas’ sur ce concept album des Who. Et dire que les Pretty Things pouvaient faire figure de « mauvais Who » les années passées…

S.F. Sorrow reste dans la logique de leur évolution : rhythm and blues, puis songwriting pop plus marqué, puis registre plus psyché... et aboutissement avec l'oeuvre ici présente. S.F. Sorrow, conte tragique et mystique, est pourvu d'une aura très particulière, s'apparentant ainsi à un trésor lumineux, une pépite dorée dont l'éclat fascine celui qui la possède. Nous sommes en face d'un travail d'orfèvre, ambitieux, original et personnel. Et symbolique. L'alchimie visionnaire et la richesse des titres de S.F. Sorrow captivent. Pop et rock, résolument psyché et expérimental, légèrement proto-punk par instant : les différentes facettes du groupe sont ainsi réunies pour former un mélange exquis, homogène et multicolore.

L'œuvre nous raconte pourtant l'existence malheureuse, et pas nécessairement extraordinaire, d'un homme solitaire et mélancolique : Sebastian F. Sorrow. Sa vie est ponctuée de mésaventures particulièrement tragiques (horreurs de la guerre, solitude, problèmes sentimentaux, disparition de la bien-aimée, culpabilité, flirt avec la mort, etc.). Et la révélation mystique de la rencontre onirique du Baron Saturday n'empêchera pas Sebastian de terminer ses jours dans la misère et la solitude, dans le besoin et dans la peine. S.F. Sorrow est un album riche, renfermant diverses petites scènes contant l'histoire d'un homme ordinaire avec un certain réalisme et un désespoir qui manque à certains disques d'époque (le Sergent Pepper des Beatles par exemple). Il s’agit donc d’une œuvre dramatique et d’un carrefour d'influences à la fois relié au passé et à l'avenir de la musique.

Grâce à leurs mélodies et harmonies, les Pretty Things se rapprochent des Stones et des Kinks. Grâce à leur touche expérimentale, S.F. Sorrow ressemble par moment à l’alter-ego de Piper at the Gates of Dawn, version pop. Et que dire de l'onirisme crépusculaire proche du Blue Marble de Sagittarius, des trous noirs expérimentaux tels ‘Well of Destiny’ et ‘Journey’, de l’accroche de ‘Balloon Burning’ et de ‘Baron Saturday’, des magistraux ‘Death’, ‘Trust’ et ‘Loneliest Person’ ? Ajoutez à cela la mélodie guimauve de ‘Bracelets of Fingers’, le folk aérien et acidulé d’‘I See You’… et vous obtenez un véritable festin psychédélique au songwriting viscéral, sombre et ouvragé, et aux arrangements sophistiqués. Norman Smith, producteur des Floyds et sixième membre des Pretty Things, demeure d’ailleurs une véritable impulsion créatrice pour le groupe.

En plus de la qualité des instrumentations, notons aussi un travail vocal de qualité, qui n'a rien à voir avec les essais hésitants des premiers albums. Forts de ses atouts, S.F. Sorrow est donc le premier rock-opéra britannique de l'histoire et possède une aura inimitable, unique et essentielle pour comprendre le disque. Création et émotion, voilà ce à quoi ont répondu les Pretty Things avec S.F. Sorrow. Ils ont eu raison, ce sont les deux mots d'ordre de tout chef d'oeuvre.

Note : 6/6

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