Art Rock/Pop (Angleterre)
Melt fait figure de premier classique de Peter Gabriel, à défaut d’être son premier chef d’œuvre. La dynamique de création d’une pop toujours plus complexifiée arrive à maturation et le Gab’ franchit un nouveau palier, atteint un nouveau stade dans l’inventivité musicale. Il ne s’agit pas seulement de juger la qualité d’écriture nette de chacun des morceaux ; ici on s’attarde presque davantage sur l’ensemble des arrangements qui fourmillent d’idées alambiquées et ultra modernes. La production à elle seule semble mériter une forme d’émerveillement auditif.
Bon, qu’en est-il des musiciens engagés dans ce nouvel album ? Mis à part les fidèles Tony Levin, Jerry Marotta, Larry Fast, Robert Fripp et maintenant David Rhodes, on note la présence de John Giblin à la basse, de Dave Gregory à la guitare, de Paul Weller sur ‘And Through The Wire’, et surtout de Kate Bush, l’égal musical féminin du Gab’. Les sax semblent prendre une place plus importante au fil des disques et sont assurés ici par Dick Morrissey. On ne saurait oublier non plus la participation de Phil Collins à la batterie et au surdo. La production est quant à elle dans les mains de Steve Lillywhite…
Et au niveau des morceaux ? L’ouverture déjà : ‘Intruder’. Crimsonienne en diable, tonitruante et torturée, effrayante avec ses barrissements... Tout le travail de maillage d’arrangements impressionne dès le départ et se laisse progressivement découvrir. La voix menaçante du Gab’ se pose sur ces enchevêtrements de percussions et de bruits synthétiques. Sa musique se veut davantage tourmentée et les arrangements sont là pour mettre en forme cet état d’esprit, pour le symboliser. Cela est évidemment prouvé par le titre suivant : l’indomptable ‘No Self Control’. Une vraie homogénéité se met en place, assez opaque de prime abord. À noter une version intéressante, plus posée et un peu décontenancée, dans le disque Peter Gabriel Plays Live (1983).
Puis ‘Start’, lueur dans la nuit. Le saxophone étoilé retentit et une mélodie mélancolique nous envoûte… avant de laisser place à la new wave visqueuse d'‘I Don’t Remember’, toujours à la limite du « mélodique », et assurant une prédominance rythmique quasi-autoritaire. La basse et les assauts de la batterie de Phil Collins y sont pour beaucoup. Peter Gabriel sait s’entourer et son groupe ne cesse de monter en puissance. Dans cette dynamique globale, ‘And Through The Wire’ et ‘Not One of Us’ assoiront un peu plus l’identité globale du disque. Pour le premier cité, j’aime beaucoup sa section middle, et moins son refrain un peu ramenard.
Concernant les autres morceaux déviant légèrement de la trame conceptuelle principale : ‘Family Snapshot’, plutôt réussi, replace l’album dans un moment d’accalmie toute relative ; ‘Lead A Normal Life’ suspend le temps à sa façon, avec un travail plus ambiant ; ‘Game Without Frontiers’ demeure un peu le tube (un peu irritant) de Melt (dans lequel on mesure la dualité Peter Gabriel/Kate Bush) et ‘Biko’ un classique live pour clore l’album d’un grand coup, hymne commémoratif taillé pour les stades qui préféreront cette fois une chanson aux minutes de silence.
Tribale, européenne, toujours moins rassurante, la musique schizoïde du Gab’ tend vers une world music synthétique et électronique claustrophobe et très personnelle. Peter Gabriel a eu souvent le fond, il a désormais la forme. À lui désormais de confirmer et de joindre les deux en les rendant toujours plus solides et solidaires.
Note : 5/6 – Morceaux fétiches : ‘Start/I Don’t Remember’, ‘Intruder’, ‘No Self Control’
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