SUPPLÉMENT : Chansons magiques (Pays de Galles)
Malgré toutes leurs différences essentielles, ce disque est peut-être aussi l'alter ego de Berlin de Lou Reed... On y retrouve une mystique du lieu (Galles, Paris, Antarctique), un ancien pilier du Velvet Underground, et des chansons irradiant l'auditeur, le tout en cette même année : 1973. Entre austérité et raffinement, John Cale adopte un son européen pour tracer les contours d'une musique distinguée et presque… illuminée. Je dirais même que Paris 1919 demeure un réceptacle à souvenirs ; il s’apparente à la matérialisation sonore de ce qu'est ce sentiment si particulier, celui de la nostalgie. Il en est à la fois l'hommage le plus troublant et l'appel le plus irréel. L'opus de Cale se révèle comme divine présence, et évoque les souvenirs les plus intenses : quand j'écoute ce disque, ce n'est pas uniquement les images les plus vives qui me reviennent à l’esprit, mais également les sensations les ayant accompagnés. Entre mélancolie perçante et spleen déboussolant, John Cale dépeint alors un monde personnel et onirique, frêle et glacé, d’où surgit la fragilité émouvante du passé. Il s'agit d'une oeuvre universelle et féconde, d'un grand disque marquant l'histoire, d’autres musiciens contribuant à renouveler son appel. Parmi les plus belles pièces : le morceau titre, petite comptine enjouée, élégante, et les ornementations subtiles et poignantes de ‘The Endless Plain of Fortune’. Sans oublier l’atmosphère céleste et aurorale de ‘Hanky Panky Nohow’, et les panoramas contemplatifs d’‘Antarctica Starts Here’… Nous voilà dès lors bien loin des expérimentations bagarreuses et dissonantes de l’artiste, qui opte ici pour des chansons gracieuses et délicates, parfois soutenues par un orchestre, souvent « littéraires », et toujours énigmatiques, symboliques. C’est donc dans ce monde intimiste assez éloigné des horizons velvetiens qu’il inscrit sa griffe particulière. Cependant, j’ajouterais que l’opus brille parfois plus par l’ambiance générale ici instillée que par la qualité des titres eux-mêmes. En effet, c’est un disque qui porte en lui une certaine aura. Poétique et surréaliste, Paris 1919 reste avant tout la rêverie d'un "European Son", un moment de lumière, froide et ambrée, illuminant un parcours ambitieux et intègre, celui d’un artiste hors pair, sensible et généreux.
Note : 5,5/6
(Chronique réalisée vers la fin 2003, corrigée et étoffée en septembre 2010)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire