Néo-progressif (G.B.)
Le rock progressif a véritablement évolué au fil des années, et le néo prog, l’une de ses branches rejetonnes, s’est imprégné des atmosphères et des dynamiques eighties pour devenir un style à part entière. Né dans le creuset de cette décennie, il en représente en effet les principaux caractères. Et le son qui lui est propre, faisant écho à la modernité de l’époque, aura ses ardents détracteurs et inévitables contempteurs, mais aussi ses adulateurs, thuriféraires et coryphées. Les claviers permettent ici l’élaboration de nouvelles ambiances plus prononcées et planantes, qui tantôt respireront la nostalgie, tantôt auront mal vieilli. Les compositions lorgnent parfois vers plus d’accessibilité, et subiront les accusations de promo marketing, quand le progressif le plus « pur » endurera celles de sectarisme. L’essentiel est de rechercher la qualité, et la diversification des possibilités artistiques, celles du néo prog incluses, demeure un des moyens d’y parvenir. Mais il paraît que ce courant a engendré une foule de groupes qui n’ont pas forcément fait honneur au style, et qui ont cristallisé d’acerbes critiques se répercutant d’ailleurs de façon un peu injuste sur le rock progressif dans son ensemble… mais je n’entrerai pas dans ce débat. Inspiré fortement et fondamentalement par le progressif symphonique des 70’s, le néo prog permet quoiqu’il advienne de continuer le mouvement et de le renouveler à sa façon.
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Il n’est pas simple en tout cas de porter un jugement clair et définitif sur le premier album de Marillion : Script For A Jester’s Tear. En effet, si le disque fait figure d’amorce pour le mouvement néo progressif, il reste quand même encore trop poussif par endroits pour être considéré comme un chef d’œuvre, son contenu n’égalant donc pas nécessairement sa portée historique, bien que toute relative.
Tout d’abord, parmi ces longues suites qui constituent et caractérisent l’opus, je retiendrais principalement trois passages atmosphériques apparaissant comme les cols du disque : le morceau-titre déjà, et surtout sa coda pleine de mélancolie ; la section aérienne de ‘Chelsea Monday’ et son solo de guitare tout en apesanteur ; et les dernières minutes de ‘Forgotten Sons’, au ton emphatique mais non dépourvues de finesse et de sincérité. Sans être de purs moments d’anthologie ils lèvent le voile sur un certain potentiel pour une écriture plus précise et mature. On peut aussi signaler le solo à la guitare et les petites notes de claviers disséminées dans ‘The Web’, et pourquoi pas la section posée et sereine de ‘Garden Party’, titre pourtant globalement assez faiblard. Dans tous ces mariages entre émotivité et structures longues (encore assez complexes), on parvient à retrouver un peu cette aura sépia caractérisant le passé, et qui sensibilisera surtout ceux qui auront grandi dans les années 80.
Aussi, le disque, et ses textes sombres et introspectifs, n’est pas dénué d’une certaine sensibilité féerique et un peu ingénue, même s’il on est réfractaire aux vocaux caractériels et surjoués de Fish, et en général aux synthés qui tachent. Elle sera probablement mieux mise en valeur par la voix de Steve Hogarth, lors de la seconde partie de la carrière du groupe… mais les éléments sont déjà là, de façon très embryonnaire bien qu’un peu masqués par la personnalité du Fish, qui singe d’ailleurs un tantinet le Gab’, sans pour autant délivrer une mauvaise prestation. Quant à Steve Rothery, dont le jeu guitaristique tout en touché rappelle un peu celui de David Gilmour des Floyds, il reste de la partie même sans s’exprimer encore à son meilleur niveau, ce que l’on aura l’occasion d’entendre, là aussi, sur d’autres disques...
Enfin, même s’il est un peu inutile de les mentionner précisément, j’ai quand même du mal à oublier les mauvais moments du script, éparpillés un peu partout, le genre de passages maladroits et pompeux dans lesquels Marillion demeure empêtré pour le moment. Cependant, le groupe reste évidemment promis à une longue aventure progressive que beaucoup auraient tort de négliger, cette formation étant capable de faire appel à une magie authentique, et de la décliner sous tout un tas d’aspects que nous aurons l’occasion d’étudier de plus près.
Note : 4,5/6
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